La magie et la technologie ont toujours entretenu un lien étroit. Au fil des siècles, les avancées techniques et technologiques ont ainsi permis à l’art ancien qu’est l’illusion de se renouveler, d’évoluer, voire de populariser et diffuser ces nouvelles technologies. Déjà dans la Grèce Antique les sciences physiques inconnues du grand publique étaient utilisées pour créer des illusions. Nous allons donc dans cet article tenter de retracer l’histoire de la magie et de la technologie dans leur processus mutuel d’évolution afin de mieux comprendre les impacts qu’ont eu ces deux disciplines l’une sur l’autre.
Si vous souhaitez en apprendre davantage sur la magie en elle-même et ses origines, consultez cet article.
Magie et technologie : du XVIIe au XIXe siècle
Cette époque est connue pour ses textes de philosophes, ses avancées politiques et idéologiques, et bien évidemment pour les développements mécaniques et physiques grâce aux nouvelles industries. En effet, la maîtrise de l’électricité ou de très nombreux progrès en horlogerie permettent alors aux magiciens de mettre en place de tous nouveaux tours, qui les portent donc vers un autre niveau, et croisent sciences et diversion.
C’est le cas des travaux de Philippe Talon par exemple ou encore de Jean-Eugène Robert-Houdin, deux esprits qui ont tous deux contribués à changer l’ancienne société magique et apporté une certaine modernité. Ce dernier, considéré comme le père de la magie moderne mais surtout grand horloger et mécanicien utilisait ses compétences techniques pour la réalisation de ses illusions. En effet, ses études, les avancées technologiques et son talent lui ont permis de créer ses pièces maitresses, les automates, qu’il utilisait lors de ses représentations et événements autour de la magie.
C’est à 40 ans que Jean-Eugène possède enfin les moyens d’ouvrir les “Soirées Fantastiques” au théâtre du Palais Royal à Paris. Cette salle est très innovantes pour l’époque puisqu’elle est décorée comme un salon très élégant : tout est clair et lumineux. Son look à lui aussi est innovant pour l’époque puisqu’en effet il ne porte pas la tenue traditionnelle d’un magicien mais plutôt une tenue très élégante et chic d’un homme de la bonne société. Pour son spectacle il utilise les nouvelles avancées techniques et les façons de faire de son époque. Cela est chance pour lui parce qu’à son apogée, peu de monde connaissait les dessous de l’électricité et de l’électro-magnétisme. Ces nombreux automates tels que L’Oranger Merveilleux, Le Pâtissier du Palais-Royal, ou Le Voltigeur au Trapèze et ses folles expériences comme La Bouteille inépuisable ou La Suspension éthéréenne vont totalement révolutionner le monde de la magie.
Cet homme qui était un vrai innovateur a créer plusieurs inventions toujours utilisés de nos jours comme le plastron électrique des escrimeurs, ou le compteur kilométrique. Ces avancés ont tenues dan le temps puisqu’elles ont plus de 170 ans.
C’est ainsi que les avancées scientifiques et économiques du XVIIe au XIXe siècle, ont permis un renouveau des tours et des croyances autour de la magie moderne. Mais c’était sans compter l’invention du cinématographe, sans doute l’événement le plus important en matière de technologie et de visibilité pour la magie à ce jour car il exposera cet art au grand public, comme nous allons le voir par la suite.
« Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. »
Arthur C. Clarke
Magie, rêves et avancées technologiques
La magie ainsi que les magiciens sont maître de leur destin mais ça encore plus deux siècles auparavant. À l’époque, toutes les techniques d’aujourd’hui n’existaient pas, la technologie de pointe et les gadgets en tout genre nom plus. Mais alors comment faisaient les magiciens sans fil invisible et pièces truquées ? Un magicien sait ce qu’il veut réaliser et la réaction qu’il veut engendrer chez leur spectateurs. Ils veulent la surprise, l’émerveillement, l’excitation et peut-être même un peu la stupeur. Pour susciter ces réactions il faut innover, inventer de nouveaux tours et créer des choses impressionnantes.
C’est ce que Jean-Eugène Robert Houdin, George Méliès et John Henry Pepper ont fait. Ils étaient pleins de rêves et d’envies et grâce à cela ils ont pu créer des systèmes et des procédés technologiques utilisés par tous par la suite. En effet, Jean-Eugène Robert Houdin par la création de ses automates il a réussi à imaginer quelque chose de grand, comme ses “Soirées Fantastiques”, et cela a été un franc succès. Pareil pour le cas de George Méliès, l’un des principaux créateurs des premiers trucages du cinéma : surimpressions, fondus, grossissements et rapetissements de personnages. Premier cinéaste à utiliser des storyboards. De plus, il a aussi construit le premier studio de cinéma de France. John Henry Pepper est lui l’inventeur du fantôme de Pepper, grâce à l’utilisation de plaques semi-réfléchissantes en verre métallisé ou film plastique et un éclairage particulier. Cela permet l’illusion que des objets apparaissent, disparaissent ou deviennent transparents, ou qu’un objet se transforme en un autre. Technique plus que spectaculaire et un petit peu effrayante !
Ces techniques sont les oeuvres des magiciens remplis de rêves et capable de les réaliser.
Magie et technologie : l’arrivée du cinématographe
C’est en 1895 que les frères Lumières inventent le cinématographe. Le cinéma est né.
Qu’est-ce qu’un cinématographe ?
Il s’agit d’un appareil capable de filmer une scène en mouvement puis de la projeter à grande échelle. Doté d’une manivelle, cet appareil est capable de photographier près de 16 images par seconde afin de donner l’illusion d’une scène en mouvement. C’est une révolution esthétique et mentale qui relève de l’inédit pour l’époque.
Quel rapport avec la magie ?
La naissance de l’image animée grâce au cinématographe a permis de nouveaux tours et trucages. En effet, Georges Méliès a assisté en 1895 à la première conférence/projection des frères Lumières. Mais ceux-ci refusant de vendre leur appareil, qui pour eux n’a alors « aucun avenir commercial », il fait donc le choix de se fournir chez un concurrent en achetant un theatrographe. Il va ensuite s’inspirer de l’appareil des frères Lumières pour créer son propre cinématographe à partir de celui-ci. Ses deux premiers films : Une partie de cartes et Une séance de prestidigitation mêlent alors magie et cinéma lors de ses projections au théâtre Robert-Houdin. L’utilisation du cinématographe permet alors à l’illusionniste Georges Méliès de créer de nouveaux tours et de nouveaux trucages, utilisant ainsi la technologie au service de la magie et la magie au service du cinéma. Un pari fou à l’époque mais qui a laissé un très grand héritage contemporain. La magie pourrait alors bien être à l’origine de la découverte des trucages cinématographiques que l’on utilise encore aujourd’hui.
Georges Méliès (1861-1938)
Prestidigitateur de renom, propriétaire du théâtre Robert-Houdin et grand réalisateur français, Georges Méliès est considéré comme l’un des créateurs des trucages cinématographiques.
Leopoldo Fregoli (1867-1936)
Cet artiste et transformiste, connu également pour avoir réussi à jouer près de 100 rôles costumés le même soir, fut le premier à interagir avec un écran lors de ses spectacles.
La magie à la télévision
La magie a non seulement été influencée par l’arrivée du cinéma mais également par l’arrivée de la télévision. En effet, cet outil apparu en 1926 grâce à l’Écossais John Logie Baird a de nouveau permis, en plus de changer la société, une certaine « révolution magique ». L’angle de la caméra étant fixe, son champ réduit, les magiciens saisissent alors l’occasion de créer des illusions encore plus impressionnantes, à travers des manipulations bien pensées, dans l’espace qu’ils désirent. Jouer avec les angles de vues n’a jamais été si facile, sortir du champ si rapide, sans parler des effets de montage …
A contrario, la magie a également beaucoup inspiré la télévision. Elle est à la une de nombreux films et divertissements.
La magie en émissions
A partir des années 1940, les magiciens commencent à apparaître fréquemment à la télévision comme dans les émissions Le cabaret du soir ou La piste aux étoiles par exemple. A partir des années 1960-1970, on voit même apparaître des émissions entièrement consacrées à l’art de la magie comme c’est le cas pour La foire aux illusions qui mêle prestidigitation et effets spéciaux ou encore les nombreuses émissions de Gérard Majax. De même aux Etats-Unis avec Mark Wilson dans Magic Land of Allakazam, considéré comme le premier magicien de la télévision. L’émission Le Monde de Doug Henning, présenté par Bill Cosby a même atteint près de 50 millions de téléspectateurs en 1975 !
Enfin, plus récemment, des émissions comme Le plus grand cabaret du monde ou encore La France a un incroyable talent ont permis un regain d’intérêt concernant la magie de la part du grand public et une diffusion à plus grande échelle des spectacles de magie et de leurs auteurs.
La magie dans les films
Evidemment, la magie n’a pas délaissé le cinéma. En plus d’être très présente dans les émissions télévisées, elle est aussi au cœur de nombreux films. Qu’il s’agisse de films fantastiques ou bien beaucoup plus réalistes tels que Le Prestige, L’illusionniste ou encore Insaisissables, la magie est partout sur nos écrans, et plus qu’une simple fiction, est acceptée par l’imaginaire collectif. Désormais, magie et technologie ne font plus qu’un.
La magie en concert
Depuis plusieurs années, nos chanteurs préférés reviennent sur le devant de la scène… mais sous quelle forme ?
En effet, les hologrammes prennent place dans les salles de concert depuis que la mort n’arrête plus la chanson.
C’est le cas du célèbre Tupac qui est revenu chanter 2 chansons en 2012 et encore du grand groupe ABBA qui ont même lancé une tournée sous forme d’hologramme. Mais alors, d’où vient cette technologie ?
Le célèbre magicien et historien Jim Steinmeyer en parle : John Henry Pepper, directeur de l’Institut royal polytechnique à Londres, a popularisé cette technique en adaptant une scène de L’Homme hanté, de Charles Dickens, le soir de Noël en 1862. Pour matérialiser ses fantômes, John Pepper a projeté une lumière vive sur un acteur qui se trouvait dans une grande trappe sous la scène (un peu comme la fosse d’orchestre), de manière à ce qu’il se reflète sur une grande vitre installée en biais sur la scène, invisible aux yeux du public. L’image spectrale semblait légèrement en retrait du verre, “comme si elle évoluait dans le même espace que les acteurs et le décor”, écrit Jim Steinmeyer. Il explique ceci dans son livre « Hiding the Elephant ».
Naissance de la magie digitale
Mais ce n’est pas tout. La technologie n’a pas seulement révolutionné la façon dont nous regardons la magie mais également la manière de la pratiquer. A chaque nouvelle invention, son application dans le domaine de la magie. Et ce phénomène n’a fait que s’accentuer ses dernières années. En effet, avec l’explosion du numérique et la digitalisation, un tout nouveau type de magie est apparu. Appelée magie digitale, magie numérique ou encore magie IPad, cette magie utilise des outils numériques tels que des tablettes ou des téléphones portables dans la réalisation de ses tours. Ce nouveau style de magie permet notamment une grande personnalisation des tours avec l’apparition du logo de l’entreprise par exemple.
Présente sur les réseaux sociaux, en coffret ou en tutoriel, la magie est partout, désormais disponible au grand public d’un simple clic. Elle a su évoluer avec son temps, autrefois marginale pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui et regorger d’inventivité et de créativité au fil des siècles.
Dernièrement, la pandémie mondiale du coronavirus a même vu l’émergence des premiers spectacles 100% digitaux, réalisés en ligne pour permettre la continuité de l’art magique.
Magie et technologie ont donc toujours été très liées par des apports réciproques. Ce lien n’a pas fini de nous étonner et de nombreuses évolutions sont encore à prévoir dans les années à venir. Restez attentifs !